Récemment lauréate du concours international de chant de Clermont Auvergne Opéra dans la catégorie duo, Léontine Maridat-Zimmerlin, mezzo-soprano de la promotion GO 25/26 termine cette année ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. La saison prochaine elle sera Diane dans Iphigénie en Tauride à l’Opéra-Comique, Stéphano dans Roméo ou encore Juliette au Théâtre des Champs-Élysées, et Mercedes dans Carmen à l’Opéra de Toulouse. Découvrez le parcours de Léontine, ses projets et ses aspirations.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours artistique ?
Je m'appelle Léontine Maridat-Zimmerlin, je suis née en 1999 à Paris. Dans la vie, j’aime les fleurs, la randonnée, le fromage, l’aquarelle… et j’aime profondément mon métier. Je suis mariée à un homme incroyable, qui m’accompagne avec bienveillance dans cette belle et parfois un peu folle aventure artistique. J’ai commencé la musique enfant dans mon conservatoire d’arrondissement et j’ai intégré la Maîtrise de Paris au CRR un peu par hasard… et c’est là que j’ai découvert le chœur, et que je suis tombée amoureuse de la musique vocale. Je me sentais un peu Billy Elliot, il y avait quelque chose de magique. Après le lycée, j’ai été admise au Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs du CRR. On avance quatre ans plus tard, et avec une Licence de musicologie en poche, j’intègre le CNSMD de Lyon, dans la classe de Sophie Marin-Degor et Hélène Lucas. Cet établissement, ses enseignants m’ont transmis le plaisir du chant, du théâtre, et de la recherche musicale minutieuse. Après deux années à Lyon, j’ai tenté à nouveau le CNSMD de Paris, que j’avais manqué sur dossier deux ans auparavant. Cette fois, je me suis présentée en Licence et en Master (un peu audacieux, je l’admets !), et le jury m’a admise directement en Master. J’ai donc passé mon DNSPM en deuxième année à Lyon, pour rejoindre, en septembre 2023, la classe de Frédéric Gindraux, Mary Olivon et Morgane Fauchois-Prado à Paris.Depuis 2022, je me suis lancée dans la grande aventure des concours de chant, qui m’ont menée à Avignon, Gordes, Montréal, Paris et maintenant ici… J’ai eu la chance de voir mon travail souvent reconnu. Pour la saison 2024-2025, j’ai intégré l’Académie de l’Opéra-Comique, où l’on fait un travail passionnant sur le répertoire.
Comment avez-vous pris le chemin de l’opéra et de la musique en général ?
J’aime dire que je me suis éveillée à la musique tôt… et tard à la fois, proportionnellement à ma durée de vie j’entends. Enfant, je suivais des cours de danse et de violoncelle, avec un pied au conservatoire, mais sans encore y voir un futur. Je voulais être pompier... ou fleuriste... ou magistrate spécialisée dans le partage des eaux internationales (Ce dernier me venait d’un documentaire que j’avais trouvé passionnant). Au Lycée non plus, je ne pensais pas du tout devenir chanteuse – ma famille, très pragmatique, m’orientait gentiment vers des études plus classiques, plus rassurantes. Mais une intuition joyeuse, sur scène, au DSJC, grâce à Offenbach a un peu tout bouleversé. Et après le BAC, bien que je me sois engagée parallèlement dans des études de droit, c’est sur scène, en jouant dans les chœurs d’une opérette, que je me suis dit : « Et pourquoi pas moi ? » C’est à ce moment-là que le chant est devenu une vraie option. Je me suis dit qu’il fallait essayer, maintenant ou jamais, et j’ai décidé de quitter le droit pour me consacrer pleinement à la musique, encouragée par mes professeurs Elsa Maurus, Philippe Biros et Stéphane Petitjean. L’opéra est venu ensuite comme une extension naturelle et passionnante : le chant, le théâtre, la langue, le style, l’expressivité, la recherche… tout cela m’a profondément séduite. J’ai eu la chance de croiser des pédagogues formidables, qui ont nourri ma curiosité et renforcé mes envies. Aujourd’hui, je suis convaincue que c’est ce mélange de rigueur, de liberté et de jeu, propre à l’opéra, qui me retient si intensément dans cette voie.
Quel est selon-vous, votre premier souvenir d’opéra ?
J’ai un souvenir très lointain, presque flou, d’avoir vu ma tante sur scène dans Jeanne d’Arc quand j’étais enfant. Je ne me rappelle ni de l’intrigue, ni des mots, ni même des costumes… juste d’une émotion immense, d’un sentiment de grandiose qui m’a profondément marquée. Mais le vrai déclic est arrivé bien plus tard, pendant un job d’été dans une boîte d’assurance. Je passais mes journées à trier des dossiers, entre le bureau et la photocopieuse. Je m’ennuyais à mourir. J’avais deux écrans, alors, un jour, j’ai lancé La Bohème sur YouTube, avec Rolando Villazón. J’ai trouvé ça bouleversant. J’avais envie de pleurer tellement c’était beau. Puis tout s’est enchaîné : L’Elisir d’Amore, Les Noces de Figaro, Madame Butterfly… En fait, j’ai passé tout un mois à découvrir l’opéra, grâce à youtube, dans un bureau en openspace, entre deux enregistrement d’archives.
Pouvez-vous revenir sur un moment musical marquant ? un concert, une production en particulier ?
Il y a quelques années, je découvrais encore le chant, j’ai vu passé une pub pour un récital de Jonas Kaufmann au TCE, le soir même. J’ai littéralement COURU pour tenté d’avoir un billet dernière minute. Je ne voyais rien, c’était en allemand, je n’avais pas de programme. Mais woaw. WOAW. Le pouvoir de cette voix, dans toutes les nuances, dans toutes les incarnations. WOAAAW. Le théâtre était plein à craquer et j’ai par la grâce de Dieu, trouvé un strapontin dans le parterre après l’entracte, on le voyait à 8 mètres inspirer, expirer, chanter, suer aussi un peu haha. C’était incroyable. Je me suis dit « c’est ça la vie ».
Qu'aimez-vous dans l'opéra ?
J’ai toujours aimé qu’on me raconte des histoires, et je crois que l’opéra est l’un des plus beaux moyens d’y parvenir. Il y a l’émotion portée par la voix, la musique qui prend le relais quand les mots se taisent, et cette redécouverte perpétuelle des récits qu’on interprète, qu’on s’approprie ou qu’on reçoit. En tant qu’artiste la question du jeu est aussi toute inépuisable, nous ne faisons jamais deux fois la même chose, c’est très stimulant. Et puis, un super bonus : il y a les costumes haha. Petite, je rêvais d’être une princesse, mais je trouvais toujours les robes trop peu crédibles. À l’opéra, on peut se transformer en duchesse du XVIIᵉ siècle… ou en cornichon géant. On en parle trop peu, mais cette liberté, cette excentricité visuelle insérée dans la force du spectacle vivant, fait beaucoup à la magie du récit. Je me souviens encore de Adriana Lecouvreur à Bastille avec Clémentine Margaine. C’était mon premier opéra en "costume d’époque", et j’ai été saisie par la puissance de l’illusion. À mes côtés, des spectateurs qui découvraient l’art lyrique pour la première fois étaient profondément émus par la grandeur de ce qu’ils voyaient. C’est là, dans cette émotion partagée, que réside la beauté de notre métier.
Quel est selon vous le rôle d’un artiste lyrique dans notre société actuelle ?
Récemment, j’ai vu mon tout premier Werther au Théâtre des Champs-Élysées, et j’ai été profondément bouleversée. Ce qui m’a marquée, au-delà de l’intensité émotionnelle, c’est la manière dont l’œuvre refuse de trancher entre le "bien" et le "mal" — une opposition souvent trop vite résolue dans le cinéma ou la fiction contemporaine. Dans Werther, il n’y a pas de bonne solution. C’est frustrant, déchirant, presque insupportable… et pourtant, c’est ce qui rend l’œuvre si puissante. C’était magnifique. Je crois qu’en tant qu’artiste, notre rôle est certes de distraire, mais aussi — et surtout — de faire vivre des choses fortes. Il y a tant d’émotions que l’on traverse intérieurement, tant de questions que l’on ne s’autorise pas à poser. L’art est une manière d’ouvrir ces portes-là. Propager du beau, oui, mais aussi être un tremplin vers quelque chose de plus grand, plus profond. Une manière d’être un miroir, de la société ou de soi-même — dans ce qu’il y a de lumineux, comme de dérangeant. Parfois, au milieu de tout ça, un peu d’humour fait un bien fou, un moment de légèreté qui n’efface rien, mais qui aide à tout traverser. En essayant toujours de rester sans prétention. Nous ne sommes pas plus important que n’importe quel autre corps de métiers.
Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?
Je prépare actuellement un récital avec Génération Opéra, qui aura lieu le 18 mai à Saint-Jean d’Angély. Quelques jours plus tôt, le 14 mai, je participerai également à un récital autour de Bizet avec les Académiciens de l’Opéra-Comique, pour célébrer cette grande figure du répertoire. Cette année est marquée par la fin de mon Master au CNSMD de Paris, avec un examen public prévu le 19 juin. Je prendrai ensuite part à la production de L’Île de Merlin avec l’Académie Favart, en clôture de saison. Et cet été, je participerai à une résidence Adami, à plusieurs récitals et à un concert en Lettonie, dans le cadre du soutien de la Fondation SIAA. Pour la saison 2025-2026, trois débuts importants s’annoncent : Diane dans Iphigénie en Tauride à l’Opéra-Comique, Stéphano dans Roméo et Juliette au Théâtre des Champs-Élysées, et Mercedes dans Carmen à l’Opéra de Toulouse en juin. Et, je l’espère, encore de belles surprises à venir !
Avez-vous un répertoire de prédilection un rôle que vous rêvez d'interpréter ?
Pour être honnête, je rêvais de commencer avec Chérubin, et j’ai eu la chance de l’incarner au CNSMDP lors de la production annuelle mise en scène par Mariame Clément. Un pur bonheur. J’en suis extrêmement reconnaissante. À Favart, nous explorons aussi beaucoup le répertoire français, ce qui m’a donné envie d’aborder un jour Orphée de Gluck, Carmen, La Belle Hélène, ou encore Le Prince de Massenet…Mais j’aime tout. Rossini, Strauss, Mozart, Bach, Fauré : you name it, comme on dit ! Mon petit objectif secret, c’est Oktavian… mais je vais devoir patienter encore quelques années, je crois !
Quelles sont vos dernières découvertes culturelles ? un film, un livre, un artiste à nous partager ?
En ce moment, je lis La Roue du Temps, une formidable série de fantasy en 25 tomes : parfaite pour s’aventurer dans un imaginaire riche, sur le long terme. Je vous invite aussi à découvrir Captain Fantastic avec Viggo Mortensen, un film de 2016. Ce n’est pas du tout un film fantastique au sens littéral, mais il est profondément singulier et touchant. Et enfin, un coup de cœur musical : Voyou, un artiste de pop française, qui est aussi un très beau poète.