Soprano aux multiples facettes, Delphine Guevar s'illustre tant dans le répertoire classique que contemporain. Finaliste de l'audition déroulement de carrière elle revient sur son parcours musical : de ses premières découvertes artistiques au répertoire qu'elle aimerait aujourd'hui interpréter.
Pouvez-vous vous présenter et revenir sur votre parcours musical ?
On raconte que bébé je ne m’endormais qu’au son de Mozart, je ne sais pas dans quelle mesure c’est vrai... Ce qui est certain c’est que la musique est présente très tôt dans ma vie… J’ai commencé par prendre des cours de piano petite, puis je suis rentrée dans une maîtrise en Normandie. Par la suite, j’ai intégré le CRR de Paris en chant, en parallèle d’un cursus de Lettres Modernes à la Sorbonne. J’aime les langues et ma voix se prête assez bien au répertoire allemand, j’ai donc poursuivi mes études à la Hochschule de Cologne où j’ai obtenu un Master en Opéra. Au fil de ma carrière, la complémentarité de ces deux approches de la musique : française et germanique a été un vrai atout. Cela m’a permis de porter le répertoire aussi bien sur les scènes françaises, suisses ou allemandes qu’au sein de formations plus réduites très actives pour démocratiser le chant lyrique auprès du public Ces dernières années j’ai également eu le plaisir de participer à plusieurs créations. Le travail d’allers-retours avec le compositeur et le dialogue qui en résulte sont absolument passionnants ! Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la musique contemporaine peut être une excellente porte d’entrée pour les jeunes générations!

Comment avez-vous découvert le chant ?
Dans mon enfance le chant accompagnait le quotidien, les voyages à pied, à vélo ou en voiture… des heures passées à chanter des chansons! Les ballets de Tchaïkovski ont créé mes premières émotions liées à la musique classique. Mon premier contact avec la voix fut d'abord avec la comédie musicale Starmania, puis avec l'opéra : La Flûte Enchantée et Curlew River de Britten, ça m’a donné très envie de chanter et de fait, j’ai interprété mon premier rôle sur scène à 19 ans : Didon dans Didon et Enée de Purcell.
Pouvez-vous revenir sur un événement marquant de votre carrière ?
Difficile de choisir ! Spontanément j’aurais envie de parler de chacune des belles rencontres humaines et musicales que j’ai eu le plaisir de faire sur scène ou avec le public. A un autre niveau, j’ai été marquée très tôt par mes rencontres successives avec Richard Strauss. Son écriture est exigeante mais elle va si bien à la voix ! Récemment j’ai eu l’occasion de chanter la scène finale de Salomé avec orchestre. Le livret d’après Oscar Wilde est d’une sensualité sulfureuse, porté par les vagues de volupté (d’agressivité parfois) de l’orchestre. C’est inédit de montrer le désir féminin de manière si explicite mais comme cela est mis sur le compte de sa folie meurtrière, cela ne dérange pas trop l’ordre établi…
Avez-vous un répertoire de prédilection ? Quels sont les rôles que vous pourriez et que vous aimeriez chanter ?
J’adorerais chanter tout le rôle de Salomé en scène ! Si l’on reste chez Strauss, j’aime beaucoup Chrysothémis la sœur optimiste d’Elektra qui est résolument du côté de la vie ! On ne peut pas évoquer Strauss sans parler de Mozart ; J’ai chanté Arminda, la rivale de la FintaGiardiniera. J’aimerais bien aborder deux autres très beaux rôles d’amoureuses éconduites : Vitellia et Elettra. Ce sont deux femmes blessées qui expriment leur douleur dans des registres très différents mais ces deux personnages complexes demandent une interprétation à la fois puissante et nuancée.Tout en contrastes également, Marie dans Wozzeck de Berg, femme libre et pieuse. La piété est d’ailleurs le moteur central de beaucoup de personnages qui m’attirent: Elisabeth dans Tannhaüser. Elisabeth de Valois dans Don Carlo également qui, comme la Leonore de Fidelio, porte de fortes valeurs morales. De la même manière chez Puccini et Massenet beaucoup de rôles de soprano demandent une grande palette de couleurs pour dépeindre le cheminement de femmes tentant de trouver leur place entre leur identité et les valeurs morales d’une société stéréotypée. L’ambitus assez large de ces rôles reflète l’ambivalence du personnage.
Avez-vous des projets pour cette saison ?
Il est question de Jenufa et d'Abigaille, mais j'aurai la chance de retrouver bientôt l’Orchestre Philharmonique de Radio-France avec lequel je viens d'enregistrer…
